Cavernomes intracrâniens

Résultats chirurgicaux de 47 cas opérés

K. Mahla (1), T. Rizk (2), C. Fischer (3), H. Belliard (1), B. Vallée (1), G. Fischer (1) (1)Service de Neurochirurgie C, Hôpital Neurologique et Neurochirurgical P.-Wertheimer, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon.(2)Service de Neurochirurgie, Hôpital Hôtel-Dieu, Beyrouth, Liban.(3)Service de Neurologie fonctionnelle et d’Epileptologie, Hôpital Neurologique et Neurochirurgical P.-Wertheimer, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon.

Tirés à part : K. Mahla , voir adresse ci-dessus.

SUMMARY
Intracranial cavernomas. Surgical results of 47 cases.
K. Mahla, T. Rizk, C. Fischer, H. Belliard, B. Vallée, G. Fischer

We report the surgical results in a series of 47 patients with cerebral cavernous malformation who had undergone surgery between 1973 and 1994, with a follow up ranging from 12 months to 24 years (mean : 4 years). They were divided in there groups according to their initial clinical presentation : epilepsy (31 cases), hemorrhage (11 cases) and neurological deficit (5 cases). Surgery consisted of cavernoma resection only (11 cases) or its extension to surrounding gliotic tissue (36 cases). Results are satisfactory : no surgical mortality, low morbidity (4 cases), no recurrent hemorrhage, seizures disappearance with anticonvulsant therapy stop (4 cases) or alleviation (20 cases). Only one patient died far from surgery (6 months) consequently to his initial bleeding, while all the others lead a normal active life.

The therapeutic management, compared to the literature, pleads in favour of intentionally surgical attitude and gliotic tissue removal as often as reasonably possible.

Key words : cavernous malformation. cavernoma. epilepsy. hemorrhage. ­surgery. outcome.

RESUME :

Les auteurs rapportent les résultats chirurgicaux d’une série de 47 patients opérés entre 1973 et 1994 d’un cavernome intracrânien, avec un suivi postopératoire variant de 12 mois à 24 ans (moyenne : 4 ans). Ces patients ont été répartis en trois groupes selon leur mode de révélation clinique : épilepsie (31 cas), hémorragie (11 cas) et déficit neurologique (5 cas). L’intervention a consisté en une exérèse du cavernome seul (11 cas) ou une exérèse de la gliose péri-lésionnelle associée à celle du cavernome (36 cas). Les résultats obtenus sont satisfaisants : pas de mortalité opératoire, morbidité modérée (4 cas), aucun resaignement, disparition des crises avec arrêt (4 cas) ou allégement (20 cas) du traitement anticomitial. Un patient est mort à distance de l’opération (6 mois) des conséquences de l’hémorragie initiale. Tous les survivants mènent une vie active normale.

La prise en charge thérapeutique, comparée à celle de la littérature, plaide en faveur d’une attitude délibérément chirurgicale et d’une exérèse de la gliose péri-­lésionnelle chaque fois que cela est possible raisonnablement.

L’histoire naturelle des cavernomes est en partie élucidée grâce au suivi clinique et radiologique de nombreux patients non opérés. Leur potentiel évolutif est actuellement bien démontré : ces lésions épileptogènes comportent un risque hémorragique. Des facteurs de gravité (tel que localisation sous-tentorielle, hémorragie antérieure, jeune âge) ont pu être dégagés. Si l’on prône le traitement chirurgical des cavernomes intracrâniens, encore faut-il s’assurer que le risque lié à la chirurgie est inférieur au risque lié à leur évolution naturelle, tout particulièrement pour les lésions de découverte fortuite, peu symptomatiques ou à comitialité bien contrôlée par le traitement médical.

Ce travail se propose d’évaluer les risques et les bénéfices escomptables du geste chirurgical par rapport à l’évolution naturelle d’une lésion réputée hémorragique et épileptogène, potentiellement dangereuse. La série présentée, de 47 cas opérés, est homogène par la prise en charge thérapeutique et par l’étude à long terme des résultats. Si les cas les plus anciens n’ont pas été investigués par IRM, tous ont eu au moins un contrôle IRM à distance de leur opération ne serait-ce que pour savoir si la lésion est unique ou multiple.
Patients et méthodes
Patients

Notre série compte 47 patients opérés d’un cavernome intracrânien entre 1973 et 1994. Le diagnostic de cavernome a été confirmé histologiquement dans tous les cas. Il s’agit de 28 hommes et 19 femmes dont l’âge varie entre 12 et 71 ans (âge moyen 37 ans).

Les dossiers ont été étudiés de façon rétrospective, en relevant la présentation clinique, l’aspect radiologique, la localisation, la nature du traitement chirurgical, l’évolution postopératoire immédiate et à distance. A l’occasion de cette étude, des nouvelles récentes (avril 1997) ont pu être obtenues pour tous ces patients lors d’une consultation externe ou par l’intermédiaire de leur neurologue ou de leur médecin traitant. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) de contrôle a été réalisée chez tous les malades de cette étude et en particulier chez ceux, les plus anciens, qui n’avaient pas bénéficié d’une IRM pré-opératoire.

Ces patients font partie d’une série de 56 cavernomes intracrâniens suivis dans le service dont 9 n’ont pas justifié de traitement chirurgical. Ces cas non opérés comportent 5 hommes et 4 femmes dont la lésion a été révélée par une épilepsie parfaitement bien contrôlée médicalement (2 cas), un seul épisode neurologique complètement régressif (3 cas) ou lors du bilan de céphalées persistantes (2 cas). Un seul cavernome non opéré a été découvert lors d’une enquête familiale alors qu’un autre l’a été chez une patiente porteuse d’un cavernome du cône médullaire. Parmi ces lésions encéphaliques non opérées, 2 siègent au niveau du tronc cérébral et 2 autres sont associées à des localisations multiples.

Nous avons utilisé la classification proposée par Maraire et Awad pour l’évaluation globale de nos résultats : :

excellent : pas de signe clinique, pas d’épilepsie, pas d’anti-comitiaux, régression de la lésion ;
bon : symptômes minimes ou intermittents non invalidants, épilepsie bien contrôlée médicalement, lésion stable ;
passable : symptômes peu invalidants, patient autonome, crises rares sous anti-comitiaux, hémorragie intra-lésionnelle ;
pauvre : symptômes évolutifs, patient dépendant de l’entourage, épilepsie rebelle invalidante, croissance de la lésion avec hémorragie extra-lésionnelle ;
mauvais : état végétatif, coma post-comitial, décès, hémorragies extra-lésionnelles itératives.

Mode de présentation

Les patients de cette série ont été répartis en trois grands groupes suivant leur mode de présentation : :

1. Ã?pilepsie : le cavernome a été découvert lors du bilan d’une comitialité chez 31 patients (19 hommes, 12 femmes). Dans 6 cas les crises étaient généralisées d’emblée alors que chez 25 patients les crises étaient partielles (simples dans 13 cas, complexes dans 12 cas). Les crises étaient rebelles au traitement médical dans 7 cas. Deux patients ont présenté au cours de leur histoire un état de mal épileptique. Dans les autres cas la fréquence des crises était variable ; la durée d’évolution de l’épilepsie en pré-opératoire variait entre 10 jours et 32 ans ;
2. Une hémorragie intra-cérébrale a été révélatrice chez 11 patients (5 femmes, 6 hommes). Ont été classés dans cette rubrique les patients qui ont eu une manifestation neurologique aiguë (céphalées brutales, signes d’hypertension intracrânienne accompagnés ou non d’un déficit neurologique). Trois de ces patients avaient des troubles de la conscience, l’un d’entre eux étant en coma profond. Tous présentaient un hématome intra-parenchymateux, sans effraction intra-ventriculaire. Nous n’avons observé aucun cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne pure ;
3. Cinq patients ont présenté un déficit neurologique (paralysie faciale dans 2 cas ; parésie du membre supérieur droit avec syndrome cérébelleux cinétique dans un cas ; diplopie et vertiges dans le quatrième cas ; troubles de déglutition dans le dernier cas) amenant la découverte d’un cavernome de la fosse cérébrale postérieure dans les cinq cas.

Radiologie et localisation

Il convient de tenir compte du fait que notre hôpital a disposé d’un scanner à partir de 1977 et d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) à partir de 1985.

Le diagnostic a été établi chez 38 patients par IRM cérébrale. Chez 36 d’entre eux l’image de cavernome était typique réalisant l’aspect d’une lésion bien limitée hétérogène, avec des zones hyperintenses en séquence pondérée en T1 et en T2, des zones d’hyposignal sur les deux types de séquences et un anneau périlésionnel d’hyposignal surtout net en séquence pondérée en T2. Chez les deux autres, le diagnostic évoqué avant l’intervention était celui d’une tumeur gliale de haut grade. Cinq patients ont eu seulement un scanner en pré-opératoire. Avant l’ère du scanner, quatre patients ont eu leur cavernome diagnostiqué par l’examen histologique, à l’occasion d’une intervention pour hématome intracérébral (2 cas) ou pour un ” processus expansif intracérébral ” (2 cas) dont la localisation concordait avec la symptomatologie présentée.

Lésions sporadiques et multiples confondues, le cavernome était sus-tentoriel dans 41 cas avec prédominance des localisations temporale (15 cas) et frontale (10 cas). Huit lésions étaient situées dans une zone hautement fonctionnelle : 5 étaient rolandiques, 2 au niveau du carrefour et 1 au niveau de la tête du noyau caudé. Parmi les 6 localisations sous-tentorielles, 3 étaient cérébelleuses, 1 pontique et 2 au niveau du plancher du IVe ventricule.

Enfin, 3 patients présentaient des lésions multiples (cérébelleuse et pontique dans un cas, encéphalique multiple et médullaire dans un cas, plancher du IVe ventricule et cervelet dans l’autre cas) et seules leurs lésions symptomatiques ont été opérées (cérébelleuse dans le premier cas, temporale dans le second et plancher du IVe ventricule dans le dernier cas).
Chirurgie

La chirurgie a consisté en une exérèse limitée à la seule lésion dans 10 cas. Une exérèse associée de la gliose périlésionnelle a été réalisée dans les zones non éloquentes, soit 37 cas. Une amygdalo-hippocampectomie a été réalisée au cours d’un abord direct pour l’exérèse d’un cavernome temporal dans 2 cas d’épilepsie rebelle. Dans les cavernomes rolandiques nous nous sommes aidés de l’échographie per-opératoire et du repérage électro-physiologique du sillon de Rolando (5 cas). Pour des lésions profondes un repérage stéréotaxique a été réalisé (6 cas). L’étude histologique a confirmé dans tous les cas le diagnostic de cavernome ; une malformation artério-veineuse était associée dans 1 seul cas.

Résultats
Mortalité-Morbidité

La mortalité liée au geste chirurgical est nulle dans cette série. Les complications postopératoires observées chez quatre patients (9,5 %) ont consisté en : un hématome du foyer opératoire avec hémiplégie nécessitant une reprise chirurgicale avec évolution ultérieure favorable, une hémiparésie régressive à la suite de l’exérèse d’un cavernome rolandique, une méningite guérie par le traitement antiobiotique et une aggravation du syndrome cérébelleux pré-existant.

La durée moyenne de séjour dans le service a été de 11 jours, avec des extrêmes allant de 5 à 21 jours.

Evolution

Le suivi postopératoire moyen est de 4 ans (extrêmes : 1-24 ans). Les résultats méritent d’être analysés en fonction de la symptomatologie clinique initiale et de la localisation.

Chez les 31 patients ayant présenté une épilepsie, les crises comitiales ont complètement disparu dans 24 cas (78 %). Pour eux, classe 1A d’Engel un allégement du traitement anti-comitial a été possible dans 20 cas et un arrêt complet dans 4 cas après un délai variant de 3 à 7 ans après la dernière crise (délai moyen de 4 ans). Sept patients ont des crises rares depuis l’intervention et peuvent être considérés comme faisant partie de la classe 2B d’Engel. Tous mènent une vie active normale à distance de leur intervention. Parmi les 7 patients qui présentaient des crises rebelles avant l’intervention, 5 ont vu leurs crises disparaître et 2 gardent des crises rares. Il est à noter que les 2 malades qui ont subi une amygdalo-hippocampectomie ne présentent plus de crise et que l’un des deux a pu être sevré de tout traitement anti-épileptique depuis 5 ans.

Sur les 11 patients ayant présenté un tableau hémorragique, les troubles de conscience, observés dans 3 cas, ont disparu chez 2 d’entre eux. Mais celui qui était dans un coma profond est demeuré dans cet état après la chirurgie et est décédé 6 mois après l’intervention. Parmi les 10 survivants, 9 ne gardent pas de séquelle de leur intervention ou de leur hématome et mènent une vie active normale. Un seul patient garde un syndrome cérébelleux invalidant à distance de son intervention. Aucun malade n’a présenté de resaignement à la suite de l’intervention.

Chez les 5 patients ayant présenté un déficit neurologique, deux n’ont aucune séquelle alors que les trois autres gardent la même symptomatologie qu’avant la chirurgie (paralysie faciale dans un cas, syndrome cérébelleux dans un cas, troubles de déglutition dans l’autre cas).

Selon la localisation du cavernome, il apparaît que les 4 patients gardant des séquelles à distance de leur intervention ont tous été opérés d’un cavernome de la fosse cérébrale postérieure. D’autre part, aucun des opérés de cavernome sus-tentoriel, même en zone fonctionnelle, n’a gardé de séquelle déficitaire à long terme alors que 7 d’entre eux présentent une comitialité résiduelle à crises rares.
Discussion

Les cavernomes intracrâniens représenteraient actuellement 5 à 13 % des malformations vasculaires cérébrales, leur diagnostic étant devenu fréquent depuis l’introduction de l’IRM. Ils surviennent à tout âge mais avec prédominance entre la 2e et la 4e décennie. Les deux sexes sont touchés à égalité, même si certains auteurs ont rapporté une prédominance féminine, ou masculine comme c’est le cas dans notre série. Ils sont en majorité uniques et de localisation sus-tentorielle (90 %). Ce sont des lésions dynamiques dont le comportement biologique pourrait être influencé par certains facteurs exogènes tel que l’infection à cytomegalovirus.

Cliniquement, en dehors des formes de découverte fortuite, les cavernomes se révèlent classiquement selon 3 scènes cliniques : épilepsie, hémorragie intracrânienne ou déficit neurologique à proportions variables selon les séries. Le tableau initial le plus fréquent est l’épilepsie dont toutes les formes sémiologiques peuvent être rencontrées, mais avec prédominance des crises partielles. Quant à l’hémorragie révélatrice responsable d’un hématome intra-cérébral, son risque annuel a été estimé entre 0,7 et 1,1 %. Elle est à distinguer des micro-hémorragies intra- ou péri-lésionnelles caractérisant l’évolution naturelle des cavernomes. Les formes se manifestant par une symptomatologie pseudo-tumorale sont moins fréquentes ; leur sémiologie dépend de la taille et de la localisation du cavernome. Les caractéristiques épidémiologiques et cliniques de notre série ne diffèrent pas, dans l’ensemble, de celles de la littérature.

La prise en charge thérapeutique des cavernomes intracrâniens est sujet à controverses. Cependant, que les lésions soient uniques ou multiples la primauté du traitement chirurgical par rapport à toute autre méthode n’est plus aujourd’hui à remettre en cause. Mais si la plupart des auteurs s’accordent sur la nécessité d’un traitement chirurgical pour les lésions responsables d’une épilepsie rebelle ou d’un tableau hémorragique grave, les indications restent plus discutées quant il s’agit d’une épilepsie bien contrôlée par les traitements médicaux, d’une lésion asymptomatique ou découverte chez un malade se plaignant de céphalées isolées.

La localisation lésionnelle intervient également dans la décision chirurgicale. La ” simplicité technique ” de l’exérèse chirurgicale des cavernomes superficiels situés dans des zones non éloquentes fait qu’elle est plus facilement proposée même s’ils sont peu symptomatiques. L’absence de mortalité postopératoire et la très faible morbidité observées dans notre expérience sont en accord avec les données de la littérature. C’est un argument qui plaide en faveur d’une attitude très ” interventionniste ” sur tous les cavernomes accessibles, même asymptomatiques, eu égard au risque évolutif spontané déjà démontré.

A l’inverse, une certaine réticence chirurgicale peut se manifester à l’égard des lésions profondes. En effet, la chirurgie des cavernomes intracrâniens de localisation profonde ou situés dans des zones dites fonctionnelles prête encore à discussion. En pareilles circonstances, il n’est pas de règle rigide et l’indication thérapeutique se discute en réalité cas par cas d’autant plus qu’interviennent encore de façon prépondérante les notions d’âge, de terrain, des antécédents hémorragiques, de la maîtrise ou non de l’épilepsie et de la demande des patients objectivement informés dont certains souhaitent ardemment être ” débarrassés ” d’une lésion intracrânienne perçue par eux comme une menace imminente ” invivable “. En adoptant une classification des lésions cavernomateuses en trois types selon leur accessibilité chirurgicale, Chaskis et Brotchi ont pu obtenir de bons résultats chirurgicaux, avec une mordibité réduite : :

type I : comprenant les cavernomes facilement accessibles, situés dans des zones non éloquentes du cerveau et du cevelet, dont l’exérèse complète a été possible sans morbidité surajoutée ;
type II : comprenant les cavernomes superficiels situés dans des zones fonctionnelles, dont l’ablation totale a été possible avec un faible risque de morbidité permanente en s’aidant d’un repérage stéréotaxique dans certains cas ;
type III : comprenant les cavernomes profonds situés dans des zones fonctionnelles, ayant été plutôt l’objet d’une surveillance clinique et radiologique, la chirurgie n’ayant été proposée que dans certains cas de récidives hémorragiques transformant la lésion en un cavernome de type II.

La précision topographique apportée par l’imagerie pré et peropératoire, la stéréotaxie, la neuro-navigation et les repérages électrophysiologiques de la région motrice sont autant d’atouts permettant de limiter la morbidité, et surtout de rapprocher le taux de cette morbidité pour les cavernomes situés en zones éloquentes de celui observé en zones non éloquentes. Ainsi, chez les huit patients de notre série opérés dans ces conditions, un seul a présenté une aggravation neurologique et celle-ci ne fut que transitoire. Il en est ainsi pour les lésions sus-tentorielles et, à l’étage sous-tentoriel, pour les lésions cérébelleuses.

En ce qui concerne l’étendue de l’exérèse à pratiquer, l’accord est loin d’être unanime. L’exérèse de la seule lésion cavernomateuse entraîne une amélioration de l’épilepsie dans la majorité des cas. Mais une épilepsie ancienne, un nombre élevé de crises épileptiques avant l’intervention (supérieur à 5) et le sexe féminin seraient autant de facteurs prédisposants à la persistance des crises en postopératoire. Une chirurgie précédée d’enregistrement vidéo-EEG et/ou stéréo-EEG, et conditionnant la recherche et l’exérèse du foyer épileptogène, n’est cependant recommandée que pour les patients présentant une épilepsie sévère et/ou complexe, et chez ceux déjà opérés dont l’épilepsie reste active après échec d’une lésionnectomie simple. L’exérèse de la gliose péri-lésionnelle associée à celle du cavernome ne fait pas l’unanimité. Rougier la préconise systématiquement dans les zones non fonctionnelles, en raison du rôle important que jouerait cette zone gliosée dans l’épileptogénèse des cavernomes. Kahane à l’inverse ne la juge pas nécessaire au vu de résultats comparables sur l’évolution de l’épilepsie. Dans notre série, l’option a été prise de réaliser l’exérèse du tissu ocre jaunâtre autour du cavernome quand elle était possible sans danger, en zone non éloquente. Cette exérèse plus large est un facteur important à prendre en compte dans l’interprétation des résultats favorables que nous avons obtenus dans l’évolution de l’épilepsie : elle a été réalisée dans 21 cas parmi nos 24 patients dont l’épilepsie a complètement régressé, permettant l’allégement voire l’arrêt du traitement anti-comitial qui n’a cependant été envisagé qu’après un délai minimal de 2 ans après la dernière crise. C’est en soi l’un des intérêts de la chirurgie des cavernomes, même s’il y a lieu d’être vigilant quant à l’évolution de l’épilepsie quand elle n’est pas guérie, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet jeune. Cette dernière réserve alimente encore la réticence de ceux qui récusent la chirurgie pour les cavernomes responsables d’une épilepsie bien contrôlée par le traitement et non compliquée d’hémorragie.

Mais la justification principale de cette chirurgie est en réalité liée au risque hémorragique des cavernomes. Comparée aux ruptures hémorragiques d’autres malformations vasculaires cérébrales, l’hémorragie par cavernome intracrânien a la réputation d’être moins grave, rarement menaçante pour le pronostic vital. Mais le risque hémorragique potentiel des cavernomes intracrâniens n’en est pas moins réel et parfois menaçant. Ainsi, dans notre expérience trois des onze malades du ” groupe hémorragique ” (30 %) ont été admis dans un état critique. Le traitement chirurgical des cavernomes ainsi justifié par leur évolution naturelle est rendu légitime par la qualité des résultats obtenus dans toutes les séries et ne prête guère à discussion chez un sujet jeune et a fortiori chez une jeune femme désirant une grossesse, vu le risque important de saignement constaté dans ces populations. Ce traitement est d’autant plus à recommander que les patients sont porteurs d’un cavernome ayant déjà saigné, en raison même du resaignement très important observé chez les patients ayant préalablement présenté un accident hémorragique. L’évaluation de nos résultats selon la classification proposée par Maraire et Awad permet de constater que 74,5 % de nos patients ont un résultat pouvant être considéré comme excellent ou bon.

Les cavernomes multiples sont fréquents, observés dans plus de 30 % des cas sporadiques mais surtout dans plus de 75 % des formes familiales où l’affection est héréditaire à transmission autosomique dominante à forte mais incomplète pénétrance clinique dont le gène responsable a été localisé sur le bras long du chromosome 7. Labauge et al. ont constaté que 75 % des cas sporadiques avec des cavernomes multiples sont en fait des cas familiaux. Leur prise en charge chirurgicale ne diffère en rien de celle des lésions uniques et de la même façon doit prendre en compte l’âge et l’état général des patients, la symptomatologie clinique et la localisation des cavernomes. Chez nos 3 patients porteurs de cavernomes multiples nous n’avons opéré que les lésions symptomatiques, qui en l’occurrence se trouvaient accessibles : cérébelleuse chez un patient, temporale chez le second patient et exophytique au niveau du IVe ventricule chez le troisième. Pour le deuxième patient, l’intervention a été pratiquée à l’occasion du saignement du cavernome temporal responsable de troubles phasiques alors que son épilepsie révélatrice bien contrôlée pendant 2 ans n’avait pas suscité de discussion chirurgicale jusque là.

Le problème des cavernomes du tronc cérébral reste à part en raison même du risque encouru, diversement apprécié. En effet, si pour certains, le risque d’aggravation neurologique transitoire après exérèse d’un cavernome du tronc cérébral varie de 20 à 40 %, pour d’autres le risque d’aggravation permanente peut atteindre 50 %. Dans cette localisation il convient, bien évidemment, de tenir compte de la topographie exacte (mésencéphalique, pontique ou bulbaire) et surtout du caractère profond, superficiel voire exophytique de la lésion pour décider de l’indication chirurgicale. Pour Bouillot et al. les formes bulbaires profondes seraient de meilleur pronostic. Porter et al. préconisent l’abord chirurgical pour les cavernomes symptomatiques affleurant la surface piale ou recouverts par une fine lame de parenchyme, en respectant les malformations veineuses souvent associées dont les risques liés à l’histoire naturelle sont nettement inférieurs à ceux auxquels expose leur exérèse. Par ailleurs, il est difficile d’adopter une attitude thérapeutique vis-à-vis de ces cavernomes d’autant plus que leur évolution naturelle est, elle aussi, estimée de façon variable dans la littérature : Dans la revue de Simard, tous les patients porteurs d’un cavernome du tronc cérébral (11 cas sur 138 cavernomes encéphaliques) ont eu, en l’absence d’intervention, et à plus ou moins longue échéance, une évolution fatale, alors qu’un seul des 8 patients non opérés et suivis par Zimmerman est décédé d’une hémorragie due à son cavernome du tronc cérébral. Ces difficultés ont amené certains auteurs à reconsidérer la possibilité de proposer la radiochirurgie pour le traitement des cavernomes non ” accessibles “. Kondziolka et al., en traitant ainsi 47 patients porteurs d’un cavernome ayant préalablement saigné, constatent une réduction significative du risque hémorragique mais au prix d’une forte morbidité de 26 %. Des résultats analogues ont été rapportés par Amin-Hanjani et al., alors que Karlsson et al. ont observé en pareilles circonstances 41 % de séquelles neurologiques sans pouvoir apporter la preuve d’une quelconque influence bénéfique de l’irradiation sur l’évolution naturelle des cavernomes. A défaut d’études prospectives randomisées, la radiochirurgie des cavernomes encéphaliques n’est pas à recommander d’autant plus qu’il s’agit d’irradier des lésions sans preuve histologique et que leur aspect IRM tout en étant habituellement très évocateur, n’est cependant pas toujours pathognomonique.
Conclusion

La présente série de 47 cas de cavernomes intracrâniens opérés, sans mortalité et au prix d’une morbidité modérée, nous conduit à proposer une attitude délibérément chirurgicale vis-à-vis des cavernomes encéphaliques chaque fois que cela est possible (en fonction de l’âge, du terrain, des antécédents), chaque fois que cela est faisable (en fonction de la topographie) et chaque fois que cela est souhaitable (risque hémorragique, risque épileptique, demande du patient). S’il n’est plus à démontrer que l’exérèse radicale du cavernome supprime le risque hémorragique, notre expérience s’inscrit en faveur d’une atténuation du risque épileptique par l’association de l’exérèse de la gliose péri-lésionelle à celle du cavernome lui-même, permettant dans quelques cas sélectionnés d’arrêter le traitement anticomitial.

Figure 1. Répartition des patients selon l’âge. Bar graph showing patients distribution according to age.
Localisation (nombre)  Épilepsie  Hémorragie  Déficit neurologique 
Temporal (14)  12  2  0 
Frontal (10)  6  4  0 
Rolandique (5)  4  1  0 
Pariéto-occipital (5)  3  2  0 
Carrefour (2)  1  1  0 
Temporo-occipital (2)  2  0  0 
Pariétal (1)  1  0  0 
Noyau caudé (1)  1  0  0 
Plancher IVe ventricule (1)  0  0  1 
Protubérance (1)  0  0  1 
Cérébelleux (2)  0  0  2 
Cérébelleux (+ protubérance) (1)  0  1  0 
Cérébelleux (+ plancher IVème) (1)  0  0  1 
Temporal (+ encéph. multiples + médullaire) (1)  1  0  0 
 

Tableau II. Type d’exérèse selon la localisation du cavenome. Table II. Surgical resection according to cavernoma location.
Localisation (nombre)   Lésion-nectomie Exérèse Cavernome + Gliose
Temporal (14)  0  14 
Frontal (10)  0  10 
Rolandique (5)  5  0 
Pariéto-occipital (5)  0  5 
Carrefour (2)  2  0 
Temporo-occipital (2)  0  2 
Pariétal (1)  0  1 
Noyau caudé (1)  1  0 
Plancher IVe ventricule (1)  1  0 
Protubérance (1)  1  0 
Cérébelleux (2)  0  2 
Cérébelleux (+ protubérance) (1)  0  1 
Cérébelleux (+ plancher IVe) (1)  0  1 
Temporal (+ encéph.multiples + médullaire) (1)  0  1 
.
Tableau III. Résultats de la chirurgie dans notre série selon la classification proposée par Maraire et AwadTable III. Our series surgical results according to Maraire and Awad’s suggested classification
Résultat  Nbre (n)  Pourcentage (%) 
Excellent  17  36,2 % 
Bon  18  38,3 % 
Passable  11  23,4 % 
Pauvre  0  0 % 
Mauvais  1  2,1 % 

REFERENCES

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